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L'inflation prête à faire un retour

Publié le 03-15-2021

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L'inflation prête à faire un retour

 

On le sait maintenant, l’année 2020 aura marqué un tournant dans l’histoire de l’humanité. Fin février, l’Italie plaçait abruptement en confinement 11 municipalités et plus de 50 000 personnes pour tenter de contenir l’éclosion d’un mystérieux virus. Le message envoyé était clair : une pandémie poserait une grave menace pour l’ensemble de la planète. En mars, l’inquiétude qui couvait s’était transformé en crise financière mondiale.

Un an plus tard, tout a changé. La plupart des gens semblent même avoir oublié leur vie d’avant, dans ce monde où les rassemblements à la pause-café, les visites régulières chez le coiffeur et les voyages dans le Sud à la relâche allaient de soi. Un monde où on trouvait encore drôle que les enfants ou le chien viennent interrompre une séance Zoom. La vie en confinement a clairement redéfini la normalité.

Ce qui est moins clair, c’est ce que cela signifie pour la suite des choses. La question occupe bien des grands esprits, qui peuvent parfois tomber dans l’exagération. En effet, les nécrologues ne chôment pas. Les centres commerciaux sont apparemment morts. Les voyages d’affaires seraient chose du passé. Les relations sino-américaines seraient refroidies (pour ne pas dire congelées) pour toujours. Et la mondialisation régresserait (c’est peu probable, mais ce sera pour un autre billet).

On sait par contre une chose : pour les marchés des capitaux, la victime la plus manifeste de la crise du coronavirus – et celle qui en dit le plus – est le marché obligataire. Pendant 40 ans, les obligations ont produit des rendements positifs quand les marchés boursiers faisaient marche arrière. À l’évidence, ce ne fut pas le cas en 2020. En début d’année, les obligations ont bien connu une reprise alors que la réalité du coronavirus s’imposait dans nos vies. Mais dès la mi-mars, les obligations étaient liquidées au même titre que les actions. Puis, quand les actions ont de nouveau piqué du nez en septembre et en octobre 2020, les obligations ont vite plongé à leur suite.

Il s’agit là d’un phénomène qui change la donne. À peu près tous les portefeuilles diversifiés de caisses de retraite et de grands investisseurs institutionnels sont construits de manière à ce que les obligations puissent servir de refuge en cas de crise. Cela fonctionne bien quand les obligations produisent des rendements réels positifs (ceux-ci ont souvent atteint 4 % au cours des quatre dernières décennies). C’est tout autre chose quand les rendements réels sont, comme actuellement, profondément négatifs.

La plupart des investisseurs n’ont jamais vu les obligations être à la traîne dans des phases de contraction de la conjoncture. Il y a quand même un précédent. Dans les années 1960 et 1970, les obligations américaines produisaient avec persistance des rendements calamiteux (ce qui leur avait valu d’être qualifiées de « certificats de confiscation »).

On pourrait faire valoir que la montée des taux observée l’an dernier était une anomalie, compte tenu de la quantité astronomique de stimulants qui ont été injectés pour ressusciter les économies aux quatre coins de la planète. Ou que la montée des taux de cette année ne fait que refléter les probabilités grandissantes d’un retour à une activité économique normale, rendu possible par la vaccination de masse (bien sûr, tout dépendra de l’efficacité des vaccins; la campagne hautement organisée d’Israël devrait bientôt nous renseigner à ce sujet). Après tout, selon les indicateurs avancés de l’OCDE, une période de croissance à plein régime est à venir. Le Fonds monétaire international prévoit aussi pour 2021 la plus forte croissance mondiale depuis le début des années 1980 (pronostic qui pourrait même se révéler trop prudent si les signes encourageants des campagnes de vaccination se vérifient).

Tous ces arguments sont recevables. Sauf que tout repose sur l’ennemi juré des obligations : l’inflation. À court terme, l’inflation de base aux États-Unis devrait dépasser la cible de 2 % dès mars-avril en raison de l’effet de base annuel. Le problème, c’est ce qui se passera ensuite : à la surprise générale, l’inflation restera plus élevée qu’au cours de la dernière décennie.

États-Unis : hausse de l’inflation à l’horizon?

Les réponses mondiales à la COVID-19 ont mis en marche une dynamique qui marque le début de la fin de l’ère désinflationniste. Précisons que nous ne prévoyons pas une inflation galopante du type de celle des années 1970. Plutôt une augmentation graduelle de l’inflation globale qui s’étalera sur plusieurs années. Un large éventail d’acteurs (les banques centrales, les responsables de la politique budgétaire et même les consommateurs) cautionnent ce tournant, qu’ils en soient conscients ou non. Le spectacle promet. La plupart des banques centrales, toujours concentrées sur la dernière bataille, prennent pour hypothèses une reprise longue et superficielle comme celle d’après 2008 et une absence totale de pressions inflationnistes. La Réserve fédérale américaine (la Fed) a considérablement modifié le cadre de sa politique monétaire en adoptant un « objectif d’inflation moyenne » (qui pourra laisser filer pendant un certain temps les prix à la hausse pour compenser des périodes d’inflation inférieures à l’objectif). Son président, Jay Powell, a même laissé entendre récemment que la banque pourrait repousser un resserrement monétaire si les taux de chômage parmi les minorités et les travailleurs à faible salaire étaient trop élevés. Manifestement, la Fed considère désormais son objectif premier comme la création d’une « économie de plein emploi », et non plus la stabilité des prix. C’est tout un virage idéologique.

Dans le monde de l’élaboration de la politique budgétaire, la pandémie aura marqué une franche rupture. Les mesures de relance budgétaires sont arrivées aussi vite qu’énergiquement. Beaucoup prévoient néanmoins des programmes de dépenses budgétaires supplémentaires, qui vont des baisses d’impôts aux programmes d’infrastructures, en passant par des initiatives pour sortir toujours plus le monde de sa dépendance au carbone. Tout cela est sous-tendu par la théorie monétaire moderne (à ce sujet : https://forstrong.com/ask-forstrong/ask-forstrong-modernmonetary-theory-the-bar-is-finally-open/). Chose importante, une idée fait maintenant consensus parmi les décideurs, celle selon laquelle en faire trop peu serait beaucoup plus risqué que d’en faire trop. Le temps de l’austérité et de la dénonciation des déficits est révolu.

Enfin, les consommateurs contribueront aux tendances inflationnistes. C’est entièrement une question de comportement. Beaucoup se demandent maintenant si le monde de l’après-pandémie rugira comme celui des années 1920. Comment pourrait-il en être autrement? Nous venons de traverser une période où n’ont cessé de s’accumuler les malheurs : à la crise financière de 2008 s’est ajoutée une pandémie et la montée du populisme, qui a atteint un affligeant sommet à Washington en début d’année. Il serait étonnant que le consommateur en sorte autrement que rugissant.

Sans surprise, des études récentes montrent que les pandémies ont des effets durables sur les comportements (https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/hec.4218, en anglais). Si les années 1920 ont été effervescentes, c’est parce que les pouvoirs – politiques, économiques et culturels – étaient tous complètement discrédités après une guerre qui avait mené la civilisation au bord de l’effondrement. L’heure était à l’extériorisation et à l’expérimentation sous toutes ses formes. Le monde d’aujourd’hui ne part pas de la même page blanche. Mais l’idée reste la même : moins on a confiance dans les institutions, plus on a envie de se faire plaisir (on ne vit qu’une fois!). Qui sait comment les choses évolueront? (astuce de pro : Buenos Aires, ville habituée à l’hyperinflation et aux crises monétaires, est parfaite pour explorer cette théorie.)

Conséquences pour les placements

Quels sont les risques associés à ce qui précède? Historiquement, les montées des taux ont toujours été problématiques pour les actions quand elles se produisaient en réponse à un durcissement des politiques monétaires. Ce n’est pas ce qui se passe aujourd’hui. La montée des taux reflète l’amélioration des facteurs fondamentaux de l’économie. Néanmoins, vient un stade où les taux étouffent les reprises. Le taux des bons du Trésor américain de 10 ans a triplé depuis l’été dernier. Il ne serait pas étonnant que les obligations connaissent une brève reprise à contre-courant sous peu. Les investisseurs devront continuer de surveiller la courbe des taux, le positionnement des investisseurs et les cours sensibles à la conjoncture, comme ceux du cuivre, pour déterminer si les taux ont monté trop haut et trop vite.

Mais ce qu’il faut encore plus surveiller, c’est le point de bascule marquant la fin d’une période de désinflation de 40 ans. Les placements perdants seront ceux qui se sont appréciés à la faveur de la thèse d’une inflation « indéfiniment faible ». Cela comprend les actions de croissance « de longue durée » (qui brillent quand les taux d’escompte sont bas) et, bien sûr, les obligations d’États occidentaux. Les gagnants regroupent les titres bancaires (qui sont devenus bien capitalisés et sont naturellement avantagés par une accentuation de la courbe des taux), les matières premières (qui sont essentiellement arrivées au bout de leur longue contraction), les valeurs industrielles (et les titres d’autres secteurs cycliques où on peut refiler des hausses des coûts à d’autres acteurs) et le marché obligataire de la Chine (la seule grande économie du monde à offrir des taux d’intérêt réels positifs). Sur les marchés, les cours sont très loin d’intégrer tout ça.

Tyler Mordy, CFA, est président et chef des placements à Forstrong Global Asset Management Inc., impliqué dans la stratégie descendante, la politique de placement et la sélection de titres. Il se spécialise dans la stratégie de placement mondiale, la recherche et l'analyse. Cet article a été publié pour la première fois sur le blogue Global Thinking de Fortstrong. Utilisé avec permission. Vous pouvez joindre M. Mordy par téléphone à Forstrong Global, au 1-888-419-6715 (numéro sans frais), ou par courriel à tmordy@forstrong.com. Suivez Tyler Mordy sur Twitter à @TylerMordy et @ForstrongGlobal.

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